

Lors du Jumping International de Bordeaux (33), les champions du monde de voltige Manon Moutinho et Lambert Leclezio ont effectué leurs ultimes tours de piste, accompagnés d’Estado*IFCE longé par l’écuyer Loïc Devedu.
Les 3 et 4 février, les deux voltigeurs ont fait leurs adieux à travers une ultime démonstration de voltige devant le public bordelais, avant d’aller à la rencontre de leurs fans pour une séance dédicaces sur le stand du CRE Nouvelle Aquitaine. L’occasion de réaliser une interview croisée des trois athlètes !
Les biographies et palmarès complets de Manon Moutinho et Lambert Leclezio sont disponibles sur le site internet de la FFE.
“Herning était comme un feu d’artifice final”, Lambert Leclezio
Quelles sont vos sensations après votre dernier tour de piste à Bordeaux ?
Manon Moutinho : “C’était un chouette moment partagé avec Lambert et Loïc. J’avais prêté ma jument Saitiri à Lambert pour la finale de la Coupe du monde FEI en avril dernier, donc terminer de cette façon sur Estado est super aussi. Cela met en avant le lien que l’on avait tous ensemble dans l’équipe de France. C’était un peu dur pour moi physiquement car cela fait cinq mois que j’ai complètement arrêté, mais c’était agréable de venir pour cette démonstration.”
Lambert Leclezio : “C’était cool d’entrer à nouveau en piste avec Estado. Il était très sage, alors qu’avant, il pouvait être un peu agité en arrivant dans son box en concours et stressé avant d’entrer en piste. Aujourd’hui, c’est incroyable à quel point il est détendu et bien dans sa tête.”
Loïc Devedu : “L’ambiance du salon est sympa, les gens pouvaient regarder la détente, et pour nous cela reste moins stressant que la compétition. Nous avons juste à profiter et nous faire plaisir ! C’était une première pour Estado, qui s’est pris au jeu.”
Quel est votre sentiment de conclure votre carrière sportive par des Mondiaux aussi réussis qu’à Herning (deux titres mondiaux et une médaille d’argent pour Manon et Lambert, une médaille d’or individuelle pour Loïc en tant que longeur) ?
M.M : “C’est incroyable pour moi de finir sur une saison aussi exceptionnelle que 2022. Ce sont quinze ans de sacrifices, c’est donc un véritable accomplissement pour moi, mon pays, mon sport et en tant que femme. Je remercie toutes les personnes qui m’ont accompagnée car sans elle, je n’y serais probablement pas arrivé. C’était une saison magnifique.”
L.L : “Herning était comme un feu d’artifice final. Je n’avais jamais voulu concourir dans une équipe avant, mais je me suis dit qu’il fallait profiter du projet d’équipe de France qui s’est monté pour le faire. C’était incroyable de finir avec ces médailles. Ce qui est sûr, c’est que la compétition en individuel est finie pour moi. On me reverra peut-être voltiger, mais pas dans le même rôle, si je me positionne sur des projets en équipe ou des Pas de Deux.”
L.D : “C’est un travail d’équipe. Amener un cheval de dressage à devenir champion du monde de voltige valorise le travail de tout le monde. Ma carrière de longeur est pour l’instant terminée. J’ai eu la chance de longer Estado pour Lambert, qui est incontestablement le meilleur.”
Que deviennent Saitiri et Estado*IFCE ?
M.M : “Saitiri est toujours en Suisse et continue la voltige avec des projets de moins haut niveau. Elle apparaîtra sûrement sur des épreuves individuelles ou de Pas de Deux Juniors. Elle est désormais longée par la sœur de Corinne Bosshard, ma longeuse, qui en profite pour prendre un peu de temps pour elle.”
L.D : “Estado a été vendu à Lambert. Il est au pré chez moi, dans le Saumurois. Lambert vient s’en occuper et le monter. Il continuera peut-être à réaliser quelques spectacles et démonstrations pour le plaisir, mais la compétition est définitivement terminée.”
L.L : “Cela me paraissait logique que je le récupère pour sa retraite. Je suis très content de le voir en pleine forme. Je le fais travailler sous la selle, chose que je faisais un peu à huit ou neuf ans mais plus du tout en parallèle de la voltige. Il est au pré toute la journée, cela crée une autre relation.”
À quoi ressemble votre nouvelle vie de « retraité » ?
M.M : “Je suis retraitée en tant qu’athlète mais étant donné mes nouvelles fonctions au sein du staff fédéral, je ne quitte pas le monde de la voltige et du haut niveau. Ce n’est donc pas un choc pour moi ! Cela me prend du temps d’être entraîneure et sélectionneuse. Pour l’instant, je n’ai pas trouvé de nouvelle passion mais je continue à être au service de la voltige, ma première passion, d’une autre manière. Pour l’instant, tout se passe bien !”
L.L : “Depuis décembre, je fais vraiment une pause, avec des entraînements uniquement pour mon plaisir personnel. J’ai beaucoup moins de pression au quotidien sur ma façon de vivre. Je suis rentré voir ma famille à Maurice et pour la première fois depuis des années, je n’ai pas eu à me soucier de ce que je mange, de l’heure à laquelle je me couche ou de rester physiquement fit... Je n’ai plus cette pression psychologique ni de douleurs physiques que j’ai eues pendant longtemps à l’épaule ou à la cheville. J’avais mis en pause mes études de kiné pour me consacrer à la voltige, je vais donc pouvoir terminer les deux ans qu’il me reste.”
L.D : “Pour moi, la longe était une activité en plus et une aventure avec Lambert principalement. J’ai toujours mes chevaux de dressage au Cadre noir. Il y aura peut-être une autre histoire avec un autre voltigeur, mais je vais pour l’instant me concentrer sur le dressage. Je viens d’avoir 26 ans donc je ne peux plus évoluer en U25, mais le but est d’avoir de bons chevaux de concours et le soutien de l’IFCE est un vrai confort qui permet de progresser.”
Quels enseignements gardez-vous de cette carrière au plus haut niveau ?
M.M : “La voltige a marqué ma vie et j’en parlerai à mes enfants dans quelques années. En termes d’enseignements, toujours sauter sur les opportunités qui se présentent. Cela m’a permis de progresser pour atteindre les objectifs que je m’étais fixés. J’ai aussi appris à ne pas toujours écouter tout le monde et à me faire confiance. Ce n’est pas simple et cela prend du temps.”
L.D : “Il ne faut rien lâcher, et surtout à haut niveau, continuer à prendre du plaisir. Par exemple à Herning, on s’est tous les trois relâchés en piste et cela a été le meilleur concours pour tout le monde, preuve que la notion de plaisir est ultra importante.”
Quel regard portez-vous sur tout ce que vous avez accompli ?
M.M : “De la fierté, c’est un véritable accomplissement. Comme le disait Loïc, ne rien lâcher et savoir qu’on le fait d’abord pour nous. C’est une partie majeure de ma vie.”
L.L : “Je pense que je ne réalise pas forcément. Je l’ai vécu au fur et à mesure, j’ai eu le temps de m’habituer car tout n’est pas venu d’un coup. J’ai eu de nombreux résultats mais cela n’a pas vraiment changé mon quotidien. J’ai été champion du monde, comme tout le monde j’étais de retour à l’entraînement deux semaines après et c’était le début d’une nouvelle saison. Aujourd’hui, je peux avoir une vision d’ensemble, mais quand j’étais en activité, je ne me suis jamais dit ‘je suis trois fois ou quatre fois champion du monde’. En connaissant mes qualités et les points à améliorer, je me suis à chaque fois concentré pour être le plus performant possible la saison suivante. Il y a eu beaucoup de travail, ce n’était pas toujours aussi facile que cela semblait l’être. Il y a eu des périodes de doutes, des accros pendant les saisons, des difficultés avec les chevaux… Et finalement, tout le travail accompli a fait que tout s’est bien passé pour moi lors des championnats.”
L.D : “Quand on est motivé et que l’on donne tout pour atteindre ses objectifs, cela est assez “facile” d’atteindre le haut niveau et d’aller au bout de ses envies. Les chevaux dont on dispose, l’encadrement, la chance d’avoir l’accompagnement de l’IFCE, cela nous lance dans le grand bain et les résultats suivent derrière.”
Quel est votre meilleur souvenir ?
M.M : “La saison 2022 dans son ensemble.”
L.L : “Je garde beaucoup de souvenirs de la préparation pour Herning, où toute l’équipe était très soudée. Nous nous sommes tous beaucoup soutenus et entraidés. Je pense que c’est cela qui nous a permis d’être aussi performants. L’équipe a dû se construire très vite, nous faisions des grosses journées d’entraînement car nous n’avions pas le choix si nous voulions prétendre à quelque chose de bien. Nous savions que nous devions être acharnés, nous avions tous cet état d’esprit et nous n’avons pas rencontré de problème majeur de communication. Ce sont des souvenirs que je vais garder longtemps, comme les derniers tours avec Estado.”
L.D : “Les Mondiaux à Herning, c’était un gros concours assez incroyable avec plein de disciplines.”
L’heure des remerciements…
L.L : “Nous remercions le staff fédéral dans son ensemble - Davy Delaire, Bamdad Memarian, Romain Bernard, Sébastien Langlois, François Athimon - ainsi que l’IFCE pour leur soutien…”
M.M : “J’y ajoute Sophie Dubourg et mes collègues de la DTN, l’ensemble des services fédéraux, mais aussi ma famille, qui a cru en moi dès le début, mon petit copain Wilfried, et toutes les personnes que j’ai eu la chance de croiser dans ma carrière, tous mes entraîneurs…”
L.D : “Ma famille qui me suit depuis le début, l’IFCE qui a investi dans le cheval, le staff fédéral dont Davy et l’équipe fédérale de voltige, qui m’ont permis via la voltige de rentrer au Cadre noir, ce qui n’est pas très courant.”
Le mot de Sophie Dubourg, Directrice technique nationale
“Les carrières de Manon et Lambert sont un succès sportif, avec de nombreuses médailles et titres obtenus ces dernières années, mais également professionnel puisque tous deux se sont parallèlement assurés leur avenir, Lambert avec des études de kiné et Manon comme professeur de sport. C’est d’ailleurs un plaisir de l’accueillir au sein de notre staff fédéral en tant qu’entraîneure et sélectionneuse à l’issue de sa carrière sportive. De plus, tous deux ont une réelle volonté de transmettre leur savoir et, encore avec la démonstration au Jumping International de Bordeaux, ils montrent leur implication pour le développement de leur discipline. Pour toutes ces raisons, ils sont de très beaux exemples à montrer au plus grand nombre.”