

Le 18 mai, une CEI 3* de 160km s'est tenue à Castelsagrat (82). À cette occasion, plongez au cœur d’une course d’endurance internationale du plus haut niveau organisée en mars dernier à Fontainebleau (77). Une immersion en deux parties dont le premier chapitre se concentre sur l’aspect sportif, avec un focus sur le rôle des assistants.
De l’inspection initiale à l’inspection finale
Vendredi 24 mars, à 6h alors que le jour n’était pas encore levé, les couples engagés dans la CEI 3* 160 km se sont élancés pour la première des six boucles au programme. La veille, l’inspection initiale a validé le bon état de forme des chevaux, les autorisant définitivement à participer à la compétition. Gilles Cabardos, président du concours organisé par l’association Grand Parquet Endurance, avait conclu par un briefing présentant la course, les officiels et rappelant notamment les bons usages en forêt.
Après chaque boucle, tous les chevaux passent une inspection vétérinaire afin de vérifier leur bonne capacité à continuer la course, puis 40 minutes de pause sont obligatoires avant de repartir sur la suivante. Exception faite pour les boucles 5 et 6, où une réinspection est effectuée avant le re-départ, et 50 minutes de pause sont programmées entre l’avant-dernière et la dernière boucle. Une ultime inspection valide la fin de course d’un couple et son classement.
Focus… Le rôle d’assistant
En piste, le duo cavalier-cheval déroule sa chevauchée selon une stratégie définie en amont, qui peut être amenée à évoluer selon les faits de course. Cependant, autour de lui, c’est toute une équipe qui suit l’intégralité des 160 kilomètres avec grande attention. À Fontainebleau, deux assistants par cavalier étaient autorisés sur la course. Leur rôle est essentiel pour aller au bout de la journée. Sur chaque boucle, des points d’assistance sont définis et balisés, permettant aux assistants de se déplacer pour apporter des bouteilles d’eau – toujours ramassées, afin d’éviter toute pollution et préserver l’environnement – et rafraîchir le cheval. Partager ne serait-ce qu’une boucle de 30 kilomètres avec eux est l’assurance de vivre la course sous un angle différent !
David Porterie, compagnon et assistant de Melody Theolissat, lauréate de la course avec Kais de Jalima, nous offre un aperçu de sa journée : « Ce matin, le réveil a sonné à 4h. Je suis arrivé une heure avant le départ de la course pour nourrir Kais, le faire marcher et le préparer pour qu’il puisse prendre le départ de la course dans les meilleures conditions possibles. »
Maréchal-ferrant au quotidien, il supervise également les assistants des chevaux de l’écurie engagés sur les autres courses de la journée, en fonction des consignes formulées en amont par Melody. « Généralement, elle ne donne pas d’instructions pendant la course, elle se concentre sur son rôle de cavalière. S’il y a des choses à revoir, cela se fait lors du grooming, période de repos entre chaque boucle. » Un travail d’équipe où chacun connaît son rôle, et ce jour-là, le second assistant n’était autre que Monsieur Guillaume, naisseur et propriétaire du gris de 12 ans, et qui à 80 ans passés, a suivi le rythme effréné de la course bellifontaine !
« Quand le cheval arrive à la fin de sa boucle, on se concentre sur lui », explique David. De l’eau est préparée afin de l’aider à récupérer et avoir un rythme cardiaque inférieur ou égal à 64 battements par minute lui permettant d’entrer sur l’aire vétérinaire. Lors de la pause obligatoire entre chaque boucle, les couples rejoignent leur camp de base, au calme et à l’ombre sous les arbres. « La course demande beaucoup d’efforts aux chevaux de haut niveau alors il faut leur apporter des soins en conséquence. On leur propose différents types de grains et de foin, de l’eau à volonté, on vérifie le rythme cardiaque, on les rassure pour qu’ils restent dans leur course et qu’ils n’aient aucune difficulté ou problème musculaire, on brosse et on nettoie les équipements… »
Les assistants ne comptent pas leurs heures auprès des chevaux qu’ils suivent, et ils restent présents bien après le passage de la ligne d’arrivée. « Après la course, on les fait marcher, on pose des bandes pour soutenir les membres et les tendons, on les surveille en permanence. On a un rôle essentiel pour le bien-être des chevaux et on prévoit d’avoir toujours des stocks suffisants d’eau, de nourriture, de seaux, bandes ou autres accessoires », conclut à juste titre le trentenaire.
Le bien-être des chevaux, une priorité pour tous
Au fil des ans, les chevaux avec la meilleure génétique et les meilleures aptitudes ont été sélectionnés pour la pratique de l’endurance. En général, un cheval court une à deux courses de 160 km dans l’année. Ils suivent un programme de préparation spécifique et rigoureux, avec un long temps de repos et de récupération après la course. « On a programmé beaucoup d’entraînements en terrain sableux et des galops sur des pistes plates et en dénivelé. On profite également du marcheur et du tapis roulant », précise Léa Vandekerckhove, engagée à Fontainebleau avec Guemra du Lauragais, sa fidèle jument de dix ans.
Le témoignage de Léa Vandekerckhove
Parfois, même en mettant toutes les chances de son côté, le sport en décide autrement et l’abandon est la meilleure des solutions. « J’ai décidé de retirer ma jument à l’arrivée de la troisième boucle. Son trotting n’était pas top, elle se traversait un peu. Après réexamen, le vétérinaire ne nous a pas éliminées, mais nous étions à la moitié de la course, donc j’ai préféré ne pas prendre le risque d’une boiterie après la boucle suivante. Le fait de bien la connaître est bénéfique parce que je remarque tout de suite les différences de comportement. Il faut savoir prendre du recul. Certes il y a des compétitions, des entraînements qui sont effectués mais si on sent que ça ne va pas, il ne faut pas prendre de risques car cela finira par faire plus de mal que de bien. »
Une décision raisonnée de l’Héraultaise, qui vise une sélection en équipe de France Jeunes pour les Mondiaux à Castelsagrat, le 2 septembre prochain. « La récupération de Guemra sera plus rapide que si elle avait couru la course en intégralité. On va chercher à savoir ce qu’elle a. Si ce n’est rien de grave, elle aura deux à trois semaines de repos complet et elle reprendra progressivement le travail, avant que l’on décide de la suite du programme. Il faudrait que l’on ressorte sur une course avant les sélections pour les prochains championnats du monde Jeunes à Castelsagrat, qui sont importants pour nous. On veut gagner et essayer de jouer devant ! », confie-t-elle avec motivation.
Tout au long de la course
Au-delà du sport, cavaliers comme officiels veillent à ce que le bien-être des chevaux soit respecté à toutes les étapes de la compétition. Des tests anti-dopage sont réalisés tant sur les athlètes humains qu’équins.
Un autre type de test est pratiqué au cours de la journée, nommé hyposensitivité. « Une vétérinaire française et une vétérinaire anglaise anesthésiste ont développé un test pour connaître facilement la sensibilité des chevaux au niveau du paturon », commence Agnès Benamou-Smith, vétérinaire en charge de la réalisation du test. C’est un système qui fonctionne très simplement : des bracelets avec un petit pique sont attachés aux antérieurs des chevaux et de l’air est envoyé jusqu’à ce qu’un léger signe d’inconfort soit visible, comme un antérieur qui se lève par exemple. Au niveau du cadran s’affiche la conversion en pression de l’air envoyé. « Des tests ont été effectués sur des chevaux sains, des chevaux anesthésiés, des chevaux ayant subi une névrectomie… Statistiquement, pour affirmer à 98% que le cheval n’a pas de sensation, il faut monter jusqu’à 20 newtons », continue Agnès. « C’est essentiel que les chevaux qui concourent aient des sensations dans les membres. On sait que 80% des boiteries proviennent du pied et du paturon, donc avec ce test, on cherche à savoir si cette zone est bien intacte. Il y a une forte relation entre les chevaux qui n’ont plus de sensation au pied, donc de la douleur, et le risque accru de développer des fractures. »
Le développement des connaissances concernant les chevaux et leur bien-être permet d'agir de différentes façons afin d’assurer un sport propre et sain. Les officiels sont notamment les garants de l’équité sportive et du bien-être des chevaux. Un rôle essentiel qui sera abordé dans la seconde partie de cette immersion, dédiée à l’envers du décor de l’organisation d’une course d’endurance internationale.