

Charlotte Bordas, vingt ans, a été sacrée championne d’Europe Jeunes cavaliers de concours complet à Montelibretti (ITA) en septembre 2023 avec son fidèle Firewall des Aucels Z. Rencontrée à l’occasion du stage fédéral organisé mi-février au Parc équestre fédéral, elle témoigne sur l’importance du circuit Jeunes et de l’accompagnement fédéral pour atteindre le haut niveau. La Corrézienne d’origine, désormais installée en Maine-et-Loire, évoque également l’impact de son titre continental.
Le premier article évoquant le circuit Jeunes comme un tremplin d’accès au haut niveau a été publié 29 février.
L’équitation, Charlotte Bordas est tombée dedans dès sa naissance puisque son oncle est cavalier et l’a rapidement mise à cheval pour des balades. Il lui offre sa première ponette à ses trois ans et elle intègre un centre équestre à Naves, juste à côté de sa ville de naissance, Tulle (19). “J’ai commencé les compétitions à neuf ans, directement en concours complet car c’était la discipline pratiquée dans ce club. Quand il a fermé, j’ai rejoint les écuries du complétiste Gilles Bordes”, se remémore-t-elle.
Ce dernier, avec sa femme, décèle son potentiel et ses parents investissent dans l’achat de Byzance de Kolonaki, qui lui permet de participer à ses premières compétitions As Jeunes en 2018. Dans le même temps, elle intègre les regroupements fédéraux. “À Pompadour, en 2019, Michel Asseray m’a approché pour savoir si intégrer le Pôle France Relève m’intéressait. J’étais encore jeune, quinze ans, mais c’était une vraie opportunité car à côté de chez moi, il n’y a que le site de Pompadour pour le complet et c’est déjà à quarante kilomètres. Les autres concours étaient à au moins six heures de route ! On a demandé à ce que je rejoigne Saumur à dix-sept ans. C’était chose faite en août 2020. Mon papa étant alors à la retraite, il est venu un an avec moi. Cela m’a permis de me soucier que de mes chevaux et de réussir mon bac. Pendant que j’étais au Pôle France Relève, j’ai pris part à deux championnats d’Europe, en Juniors puis en Jeunes cavaliers. J’ai ensuite décidé de partir pour voir à quoi ressemblait la vraie vie. Je suis restée un an chez Thomas Carlile avant de m’installer tout récemment chez Edouard Chauvet, qui est un cavalier de saut d’obstacles aujourd’hui, mais est également passé par le Pôle France FFE et a évolué jusqu’en CCI 5*”, poursuit-elle.
“Le circuit Jeunes inculque l’exigence du haut niveau dès le plus jeune âge”
Qu’apporte l'accompagnement du staff fédéral lors des stages ?
Je trouve ça top, je connais bien maintenant Pascal Forabosco, l’entraîneur national, et Amélie Billard, l’entraîneure adjointe pour le dressage. Cela permet de faire un point à la sortie de l’hiver. Les chevaux sortent également de la maison avant de reprendre les concours. C’est intéressant d’avoir de la préparation physique et mentale au programme. On ne peut pas monter qu’à cheval, on a besoin de la préparation mentale, c’est la réalité et la base. J’en ai fait beaucoup au Pôle France Relève avec Bertrand Guérineau et Anne Le Coniat. À Montelibretti, quand j’entre sur la piste de saut d’obstacles et que le titre est en jeu, si le mental n’est pas là, il n'y a pas de médaille au bout. Cela m’a permis de me mettre dans une bulle, où je pensais limite être dans la carrière à la maison pour faire un tour d’entraînement. Même devant le dernier obstacle, je ne pense pas à la médaille.
Que change l'obtention d'une médaille d’or ?
Une médaille change beaucoup de choses ! Le retour à la réalité n’a pas été facile, avec un coup de blues les premières semaines voire les premiers mois. On marque notre sport, les entraîneurs retiennent notre nom et les juges également quand on arrive en concours. Voir que c’est notre photo sur la charte du sportif de haut niveau de la nouvelle saison, cela fait quelque chose. C’était ma deuxième année en Jeunes cavaliers, je me disais que le top cinq était atteignable mais je voyais le championnat 2023 comme une préparation à celui de cette année, où le cheval et moi serions entièrement prêts. Au fil des épreuves, je pensais à la médaille mais de là à ramener l’or avec cinq points d’avance, en étant la seule sans-faute dans le temps à l’hippique, c’était un truc de fou. Ma saison avait été correcte jusque-là, mais je ne pensais pas que la fin serait aussi étincelante et magique. Maintenant, je n’ai qu’une envie, c’est de réitérer. Entendre La Marseillaise et voir les gens se lever et la chanter, cela motive pour la suite.
Considérez-vous le circuit Jeunes comme un tremplin d’accès vers le haut niveau ?
Carrément. J’ai beaucoup appris avec Tom, qui doit être l’un des seuls cavaliers qui n’a pas fait le circuit Jeunes. Mais quand on regarde le groupe 1 FFE, de très nombreux cavaliers sont passés par le Pôle France Relève, tout le monde s’est fait un nom en Poneys, Juniors ou Jeunes cavaliers. Cela nous amène progressivement vers le haut niveau. Il y a plus de jeunes qui arrêtent avant de passer chez les Seniors que de Seniors qui n’ont pas fait le circuit Jeunes ! C’est la base de tout car cela inculque l’exigence du haut niveau dès le plus jeune âge. Cela facilite le passage vers le haut niveau, on connaît la pression d’un championnat même si elle doit être un cran au-dessus en Seniors. Cela me paraît compliqué pour un inconnu d’arriver chez les Seniors sans être passé par les catégories Jeunes, la route sera plus longue. Pour notre modèle économique, on a besoin des propriétaires et quand on est un jeune qui réussit, cela les attire plus. Le circuit Jeunes est une vitrine et il faut en profiter au maximum.
“Rester connecté au staff fédéral est, pour moi, la clé de la réussite”
Le passage entre les différentes catégories est-il difficile ?
Dès mes six ou sept ans, je suis passée à cheval car en voyant mon oncle faire cela, je voulais l’imiter ! Je n’ai donc pas connu le haut niveau à poney et je pense que cela a pu me manquer dans le mental. Quand je vois les jeunes de quatorze ans dont les poneys sautent des obstacles presque plus grands qu’eux, je suis admirative. Cette “niaque”, cette envie de gagner et cette pression que l’on a déjà tout petit m’ont manqué dans mes premières années Juniors. Il y a une grosse marche entre cette catégorie et les Jeunes cavaliers, mais j’avais les chevaux pour et finalement quatre ans pour évoluer en Juniors, et non deux comme les cavaliers qui sont à poney. J’ai eu la chance, lors de ma dernière année Juniors, de réaliser les trois quarts de mes qualifications pour les championnats d’Europe Jeunes cavaliers, ce qui m’a permis de faire redescendre rapidement la pression et d’avoir un schéma de saison beaucoup plus serein. Je pense que c’est important d’anticiper cette transition.
Pouvez-vous revenir sur votre expérience au Pôle France Relève, sur le site de l’Institut du cheval et de l’équitation à Saumur ?
C’est une opportunité de dingue. Si je n’y étais pas allée, on ne m’aurait pas ouvert la porte de la préparation mentale et je pense que je ne me serais jamais tournée vers cela, or cela m'a permis de surmonter certaines difficultés rencontrées. Les infrastructures y sont excellentes et Philippe Mull nous entraîne. Je sortais de ma Corrèze profonde, c’était beaucoup plus simple d’être à proximité de Verrie et ses parcours de cross. En tant que jeune du fin fond de la France, c’était un tremplin, une des plus grandes chances de ma vie.
Et le staff fédéral reste toujours à l’écoute, même après avoir quitté Saumur…
Je pense que c’est important de rester connecté au staff fédéral. Pour moi, c’est la clé de la réussite. En U25, il n’y a pas de championnat dédié et les groupes 1 et 2 de la fédération sont loin car il faut réaliser de grosses performances pour y entrer. Julie Simonet a réussi, elle est incroyable, mais tout le monde n’est pas Julie Simonet et Sursumcord'Or ! Il faut réussir à accrocher l’oeil du staff, donc briller en 4*, mais surtout ne pas hésiter à demander des conseils. Ce n’est pas parce que j’ai une médaille autour du cou que je suis une professionnelle et que je sais tout, loin de là. Je travaille avec Edouard Chauvet à l’obstacle, Jean-Pierre Blanco en dressage. Le staff est à l’écoute et dès que je vais à Verrie, je le dis à Michel et Thierry Touzaint me suit. Cela permet de retravailler certains points si besoin, il y a toujours un suivi. Les membres du staff fédéral sont expérimentés, ils ont vu les parcours d’autres jeunes et ce que cela a donné selon leurs choix.
Quelle est la suite pour vous ?
La marche pour passer chez les Seniors est, je pense, la plus haute à franchir. J’ai le cheval pour, cependant le plan A ne serait pas d’être professionnelle dans le milieu du cheval pour garder cela en loisir. Je reprends actuellement des études en comptabilité-gestion, qui me permettent d’avoir une roue de secours. Même si de nouveaux chevaux intégreront certainement mes écuries dans l’avenir, cela me servira n’importe où. Firewall dispose du potentiel nécessaire pour concourir à Bramham (GBR), dont le CCI U25 4*-L est le prochain objectif.