43%, c’est le pourcentage de licenciés adultes au sein de la Fédération Française d’Équitation. Ce chiffre, en augmentation depuis 2012, prouve qu’ils représentent une cible majeure pour la Fédération, dans un contexte de baisse notamment des primo-licenciés. En phase avec les enjeux actuels, la FFE a ainsi proposé un congrès fédéral dédié à ce public, qui a rencontré un vif succès les 27 et 28 novembre. 200 participants se sont réunis au Parc équestre fédéral à Lamotte-Beuvron (41) pour échanger sur diverses thématiques comme la pédagogie, la gestion de la cavalerie, ou encore le développement d’offres ciblées et la fidélisation.
L’organisation de ce congrès fédéral dédié au public adulte, portée par le Comité Cheval, présidé par Marine Vincendeau, a rencontré un franc succès. Le riche programme de ces deux jours d'échange a donné aux 200 participants, et 22 intervenants, l'opportunité d'explorer des thématiques de premier plan telles que la pédagogie, la gestion de la cavalerie, le développement d'offres ciblées et la définition d'une stratégie de fidélisation à long terme. La volonté était de partager des outils concrets ainsi que des bonnes pratiques à mettre en œuvre dans les établissements équestres dès les prochaines semaines.
“Pleinement à l'œuvre depuis plusieurs mois, le Comité cheval vous propose ce congrès, poursuivant la dynamique avancée par le Comité poney autour des jeunes publics depuis plusieurs années sous l’impulsion de sa présidente Céline Scrittori. Avec des perspectives démographiques qui vont encore fragiliser notre modèle, historiquement tourné vers la jeunesse, les réflexions sur les publics adultes ont un caractère essentiel. Le nombre d'enfants de 5 à 14 ans, qui avait augmenté de 8% entre 2005 et 2019, décline déjà depuis cette date. Il stagne ces cinq dernières années et baissera de 11% d'ici 2030, soit 900 000 enfants en moins. Dans ce contexte de stagnation et de baisse des primo-licenciés depuis 2012, hormis la période Covid, il est plus que jamais nécessaire de recruter de nouveaux cavaliers et de fidéliser ceux qui ont déjà poussé la porte de nos clubs. Bien connaître les populations adultes, leurs besoins et leurs attentes, est un enjeu majeur pour proposer une offre qui leur correspond”, a partagé Frédéric Bouix, président de la FFE.
Marine Vincendeau, présidente du Comité cheval et Julien Pelletier, vice-président de la FFE en charge des clubs, ont complété : “Les adultes représentent 43% de nos licenciés, et les 30 ans et plus, 26% de nos licenciés en 2025. C'est une cible qui n'a cessé d'augmenter depuis 2012. Le taux de fidélisation est de près de 80%. Il faut aller chercher ce public, d’où le lancement de ce premier congrès fédéral cheval. Ainsi, avec l’évolution démographique, il ne faut pas laisser passer cette population et trouver des produits qui lui conviennent. À nous aussi d'être un peu inventifs et de faire évoluer nos formats pour répondre aux attentes d'aujourd'hui.”
Toutes les interventions et tables rondes sont disponibles en replay sur la chaîne YouTube FFE.
Des intervenants et experts pour aborder toutes les facettes
Sport, loisirs et équitation : quelle est leur place dans la société ?
En ouverture, les travaux de Jean Corneloup, sociologue et membre du laboratoire PAC de Grenoble, sur les « cultures sportives » rappellent que la pratique sportive ne se réduit pas à la technique : elle reflète des valeurs, des styles et des attentes variées. Pour l’équitation adulte, cela invite les clubs à diversifier leurs offres et à valoriser la pratique comme un espace d’expression culturelle et sociale, différenciant pour chaque club. En s’appuyant sur des éco lieux et leur environnement local, l’équitation peut renforcer le lien avec la nature et le territoire tout en restant techniquement rigoureuse. L’enjeu est de concilier inclusion, créativité et identité culturelle pour répondre aux attentes d’une génération adulte en mouvement.
Mathias Hébert, conseiller technique national, a présenté les premiers résultats de l’enquête lancée par la FFE avec Kantar en 2025. On observe une montée de l’importance des loisirs (important pour 66% des répondants), surtout chez les moins de 35 ans (77% des répondants les déclarent importants). Les Français sont à la recherche de bien-être, de nature, de plaisir, et l’équitation est une réponse totalement en adéquation, d’autant que le cheval dispose d’un capital sympathie très fort et que les centres équestres jouissent d’une image positive auprès du grand public. Des points d’alerte ont été soulevés : activité perçue comme élitiste et coûteuse, un contact avec le cheval qui est intimidant pour 58% des non pratiquants. Il a conclu en rappelant que les valeurs perçues de l’équitation sont en phase avec les attentes de la société. De plus, le potentiel de croissance est immense : 2.5 millions d’adultes pourraient commencer l’équitation, à condition de leur proposer une offre lisible, modernisée et adaptée à leurs attentes.
Julien Moulès, responsable marketing et expérience client de l'UCPA, a rejoint les deux intervenants cités précédemment pour une table ronde. Il a présenté le PES (projet éducatif et sportif) UCPA 2024 : développer l'autonomie, partager en commun, prendre soin de soi, agir avec la nature. Il a partagé que la notion d’expérience client revient fortement, ainsi l’UCPA mise sur le développement d’expériences sportives. Jean Corneloup a appelé à considérer l’adulte comme un co acteur pour concevoir un projet personnalisé. Pour lui, le prestataire doit accorder du temps à la relation et prendre en compte l’enjeu de l’expérience.
Comprendre le cavalier adulte : attentes, freins et motivations
La table ronde suivante a rassemblé Jean Corneloup, Solenn Habre, psychologue clinicienne et psychothérapeute, Julien Moulès et Carole Yvon-Galloux, chargée de missions Cheval & Diversité à la FFE pour une analyse marketing des différents profils et l’identification des attentes et des leviers d'engagement. Elle a commencé par la diffusion de capsules vidéo d’adultes expliquant pourquoi ils ont débuté l’équitation et ce qu’ils aiment dans cette pratique. Julien Moulès en a retenu “l’envie d’essayer”, et a effectué le parallèle avec l’offre multi-raquettes de l’UCPA, avec un mix de différents sports que peuvent essayer les pratiquants et qui crée un collectif. Les centres équestres sont ainsi des lieux parfaits, puisque plus de 30 disciplines sont sous l'égide de la FFE, comme l’a justement pointé Carole Yvon-Galloux, avant de détailler que dans une société remplie d'injonctions souvent paradoxales, le cheval vient répondre à de nombreuses problématiques. Elle a invité l’assemblée à s’interroger sur ce qui pousse chacun à franchir aujourd’hui la porte d’un établissement équestre. Solenn Habre a encouragé les congressistes à échanger avec le client pour connaître les raisons de leur venue et à se demander s'ils sont les mieux placés pour répondre à leurs attentes. Les émotions ont fait partie des sujets abordés, appuyant sur le besoin de sécurité comme moteur pour se lancer dans la pratique. Jean Corneloup a pour sa part mentionné le rôle des centres équestres comme un des moyens de soigner les maux de la modernité.
Donner les clés pour recruter et fidéliser les cavaliers adultes
Adapter sa pédagogie au public adulte
Tout d’abord, Jean-Luc Force, instructeur, expert en formation et sélectionneur de l'équipe de France de concours complet Seniors, et Olivier Simon, DTN adjoint, ont abordé la posture de l'enseignant. Son bien-être a été mentionné comme essentiel pour bien faire, ainsi que l’importance de replacer le cheval au centre, que ce soit dans les établissements équestres (environnement, écuries, aires de travail), dans l’enseignement (cours, pédagogie, discours, progressions), ou encore dans la pratique de l’équitation (relation, technique, principes d’apprentissage). Se remettre en question pour proposer quelque chose de singulier est un pas, la diversité de la demande est suffisamment large pour que chacun trouve une place correspondant à ses aspirations, apportant ainsi un premier niveau de réponse à la concurrence entre établissements. Enfin, il faut garder à l’esprit que l’enseignant est un expert de la relation avec le cheval.
Olivier Simon, Nicolas Sanson, expert fédéral et spécialiste de la pédagogie, Solenn Habre, psychologue clinicienne et psychothérapeute, Véronique Bartin, professeure de la Méthode Alexander et sélectionneuse nationale de l'équipe de France Vétérans, ont ensuite échangé sur la pédagogie pour les adultes. Ces derniers arrivent avec leur vécu, il est nécessaire de prendre le temps d’écouter et de leur expliquer les “pourquoi”. Dans un contexte ou deux adultes sont en relation, se connaître revêt une importance non négligeable, sachant que le client vient pour l'éthique et les valeurs proposées par le club.. Ainsi, le cheval et l’enseignant sont au cœur de l’histoire. La conclusion de cette table ronde a été la mise en lumière de l’importance de la formation, notamment continue, ainsi que la nécessité de faire vivre une expérience cheval, de s’ouvrir et ne pas craindre les incertitudes.
Intégrer le cheval dans sa pédagogie
La seconde journée a débuté par une table ronde sur la cavalerie de club pensée pour les adultes, avec Marion Thomas, responsable pédagogique du centre équestre de Vilvert (78), Marine Vincendeau, présidente du Comité cheval et Steve Latruffe, dirigeant du centre équestre Les crins de Gaïa (04). Les adultes recherchent des chevaux tranquilles à monter, sympathiques à pied, et peuvent être séduits par un joli physique. Les trois intervenants se sont accordés pour dire que des chevaux avec un vrai mental, c'est-à-dire calme et posé pour de la pratique de loisir et de compétition à petit niveau, est le premier critère qu’ils recherchent. Viennent ensuite la polyvalence, un bon équilibre naturel, un bon physique, de la facilité dans la direction ou encore un cheval porteur pour évoluer avec des cavaliers de tous les gabarits, avec suffisamment d’énergie. Et bien évidemment, un cheval heureux saura rendre les gens heureux ! Par ailleurs, Marion Thomas a partagé que, d’expérience, pouvoir élever son cheval et le faire à sa main donne des chevaux généralement plus appréciés et avec une carrière plus longue, mais cela a un coût économique et demande une logistique non négligeable. En écho, Steve Latruffe a conseillé de prendre le temps de rechercher le bon équidé et de consacrer un budget en adéquation. Les différentes races de chevaux ont été évoqués : les demi-traits tirent leur épingle du jeu (conviennent à différents publics, allures souples, adaptabilité à différentes selles, porteur, énergique, aptitude à l’obstacles…). À noter que, selon Marion Thomas, l’une des préoccupations premières des nouveaux clients est de savoir comment les chevaux vivent, s’ils sont gentils et quels taillent ils font ; ainsi avoir un cheval de moins d’1.60m est un bon compromis pour ne pas trop les impressionner.
À la suite, Déborah Bardou, cheffe de missions bien-être animal à la FFE et Frédéric Hiberty, dirigeant de Horse Experience, ont présenté une approche intégrant le bien-être du cheval au cœur de la pédagogie équestre. Ils ont rappelé que cette dimension constitue aujourd’hui un critère déterminant, tant dans le choix d’un établissement que dans la fidélisation des pratiquants adultes. Leur intervention, appuyée par une vidéo ponctuée de séquences d’explications et d’échanges, a illustré concrètement comment le bien-être équin peut devenir un véritable fil conducteur d’apprentissage. Ont ainsi été abordés : l’importance du pansage comme moment de relation, les bénéfices du travail à pied en début de séance, la justesse de l’action des aides, les signes révélateurs d’une séance réussie, ainsi que la nécessité de transmettre aux cavaliers des repères clairs afin qu’ils puissent construire des sensations précises et durables.
Développer des approches innovantes
Nicolas Canteloup, instructeur diplômé d'État et cavalier de concours complet, a présenté son projet d'école d'équitation « La pointe aux chevaux », dédiée aux adultes débutants. En préambule, il a rappelé que rares sont les activités comme l’équitation, où l’on peut débuter et progresser tard. Par ailleurs, c’est un sport vertueux et le cheval présente de nombreux bienfaits ; les prescriptions médicales sont possibles alors qu’un Français sur 2 se plaint de mal de dos, tandis que le cheval offre une bulle pour la santé mentale (un Français sur 6 présente des symptômes dépressifs ou est en dépression). Il a insisté sur le fait de donner une accessibilité au rêve, avec un objectif atteignable. Il fait le pari qu’avec une promesse de vente ambitieuse et respectée, il est possible de proposer des prestations économiquement très intéressantes pour celui qui les propose.
5 exemples d’offres pensées pour le public adulte ont ensuite été présentées, suivis d’un échange de questions/réponses avec les participants :
Lors du temps d’échange et de questions/réponses avec le public, l’accent a été mis sur l’importance de la qualité marketing et de soigner sa communication, avec par exemple l’utilisation de photos prises par des photographes professionnels. Développer un projet en fonction de son territoire a également été mis en avant par les intervenants.
Camille Eslan, Ingénieure de formation Mastère Spécialisé® de la filière équine (MESB), a fait un zoom sur les cavaliers hors structure en présentant les résultats d’une étude. Sont considérés comme hors structure les cavaliers, propriétaires, ou gardiens d'équidés qui gèrent ces derniers indépendamment de toute structure professionnelle. On estime que cela concerne 200 000 usagers et 400 000 équidés, soit environ 40% du cheptel national. L’étude analyse les raisons d’insatisfaction, les besoins de cette population, les ressources dont elle dispose ou encore son type d’organisation. Camille Eslan a rappelé que les cavaliers hors structure ne sont pas hors système : ils recherchent de la souplesse, du lien, de la reconnaissance… et allouent un budget mensuel pour l’accès à des services dont ils ne disposent pas au quotidien. Elle a conclu sa présentation par une prospective pour 2030.
Attirer et fidéliser les cavaliers adultes : du marketing à la pédagogie
Pour traiter les enjeux de l'accueil et de la digitalisation pour attirer les adultes, Zoé Glévar, responsable communication de la FFE, a débuté son intervention par la présentation de quelques chiffres clés tirés de l’étude FFE - Kantar 2025. Ces derniers mettent en avant le rôle central du centre équestre, premier point de contact et première source d’information pour les potentiels clients avec le site internet. Elle a ainsi mis en lumière l’enjeu de l’accueil du public ainsi que la nécessité d’ouvrir les portes des établissements équestres, tout en soignant sa vitrine digitale. Elle a également rappelé le besoin de flexibilité de cette cible ainsi que sa volonté de se retrouver entre adultes, transition toute étudiée pour Florian Moschkowitz, dirigeant de Nancy Équitation (54), qui a présenté le parcours clients adultes mis en place, modulaire et lisible. Il a témoigné de la mise en place de cartes d’essai, ainsi que d’une carte annuelle de 47h. Celle-ci est flexible pour le client, qui s’inscrit via une plateforme en ligne aux cours qui l’intéressent jusqu’à la veille (sur le modèle des clubs de sport type crossfit par exemple), avec un paiement mensualisé qui assure la stabilité de la trésorerie du club. Il a souligné la nécessité d’aller vers la digitalisation, facilitante pour le client et pour le dirigeant avec l’obligation de la facturation électronique à venir. Enfin, il a mis en avant l’importance de développer une offre en phase avec l’ADN du club et les attentes du public, illustrant avec la mise en place dans son club de cours particuliers pour des adultes en situation de handicap.
Le congrès s’est achevé par un échange entre Nicolas Sanson, expert fédéral et spécialiste de la pédagogie, et Hélène Bourgoin, enseignante, experte fédérale en pédagogie et formatrice AE/BPJEPS sur la fidélisation du cavalier adulte : quel projet pédagogique proposer ? Pour Hélène Bourgoin, il faut se poser la question du souvenir que l’on souhaite laisser à ses cavaliers. L’enseignant est le chef d’orchestre, il doit avoir envie d’être là. Elle a, par ailleurs, noté que les cavaliers adultes ont peur de mal faire : il faut ainsi les rassurer et les guider, sans négliger l’importance du feedback car les adultes ont besoin de comprendre comment et pourquoi faire les choses. Nicolas Sanson a, de son côté, évoqué le matériel facilitant la verticalité comme les selles creuses, qui sont un atout auprès de ce public lorsqu’il débute. Pour lui, il faut fidéliser les parents d’enfants, oser être créatif et diversifier ses activités tout en gardant le cheval en tête. Il est important de créer du lien, un adulte a besoin de reconnaissance et d’un sentiment d’appartenance.
Toutes les interventions et tables rondes sont disponibles en replay sur la chaîne YouTube FFE.
Des ateliers de mises en pratique
Jeudi après-midi, les participants ont pris part à trois ateliers pratiques.
Des actions à venir autour de l’accueil du public
Comme l’a souligné Frédéric Bouix en clôture de ce congrès fédéral dédié aux cavaliers adultes, “il y a certaines interventions qui bousculent un peu car ce n'est pas forcément les choses qu'on a l'habitude d'entendre. Il n’y a pas de recette magique. Le message, ce n’est pas forcément de vouloir tout mettre en œuvre, mais de prendre une idée, une action, et voir comment vous pouvez la faire prospérer, puis d'en prendre une deuxième, et ainsi de suite. Une chose est sûre, il faut que cela vous ressemble. La Fédération est là pour vous donner des outils, pour vous ouvrir le champ des possibles, et vous accompagner avec le relais des Comités régionaux et départementaux. Le sujet de la formation est central, que ce soit pour les enseignants, mais également les dirigeants. L’un des axes du Projet fédéral 2025-2028 est de mettre l’accent là-dessus. Par ailleurs, dans quelques semaines, nous serons en mesure de vous proposer une action de grande envergure pour vous accompagner à renforcer l’accueil des personnes qui poussent pour la première fois des portes de nos poney-clubs et centres équestres.”
Les prochains rendez-vous :