

A l’heure des 20 ans du statut agricole pour les activités équestres, Frédéric Bouix, président de la Fédération Française d’Equitation (FFE) et Philippe Audigé, président du Groupement Hippique National (GHN), ont mis en lumière les réalités auxquelles les poney-clubs et centres équestres font face, les enjeux du statut agricole pour le milieu équestre dans un club de région parisienne. Au programme, visite d’une exploitation, son fonctionnement, les défis autour de la production de fourrage, la gestion des pâtures pour l’ensemble de la cavalerie, l’accès à l’eau et l’animation des territoires au moyen d’un projet pédagogique et éducatif en adéquation avec les enjeux sociétaux actuels.
Ce mercredi matin d’avril, le chant des coqs bleus résonnait dans la cour de ferme briarde qui abrite depuis près de 40 ans l’Ecurie de la Tour à Tigery (91). Camille Brunet et son frère Thomas, tous deux à la tête de l’écurie depuis deux ans, ont accueilli chaleureusement la délégation du jour. « On souhaite que les gens se sentent comme à la maison. Je connais les noms et prénoms de tous nos cavaliers. On leur apporte un suivi individualisé et on fait en sorte que tout le monde se sente bien ici », explique la jeune dirigeante. Avec 360 licenciés et environ 80 équidés vivant sur la structure, le club fonctionne bien, malgré les grands défis qui se sont dressés devant les dirigeants. « Nos parents ont commencé l’activité il y a 38 ans. Notre père est agriculteur céréalier et notre mère a créé le centre équestre. Je travaille sur la structure depuis plus de 15 ans, j’ai passé mon BPJEPS, puis mon DESJEPS, je fais du saut d’obstacles en compétitions nationales et internationales et j’entraîne les élèves qui font du concours. Au décès de notre mère, nous avons décidé de reprendre l’activité avec mon frère. Ça a été un vrai challenge, il y a eu des hauts et des bas, mais on travaille main dans la main et on essaye de mettre notre touche », a détaillé Camille Brunet avant d’emmener le groupe pour une visite des installations.
Le centre équestre, dernière ferme en ville
Dans la grande cour entièrement entourée de bâtiments anciens, les écuries ont été agencées pour permettre aux poneys de vivre en groupe dans de grandes stabulations. Les anciens boxes individuels ont été ouverts et les poneys répartis en petits groupes par taille et affinités : « Nous avons des paddocks qui nous permettent de mettre tous les chevaux et poneys de club dehors d’avril à octobre selon la météo. Nous ne voulions pas avoir à les séparer à l’automne. Avec ces aménagements et une fois les groupes bien stabilisés pour une bonne entente, nous n’avons vu que des bénéfices à cette organisation. Pour la sécurité notamment, les poneys se connaissent et s’entendent bien, il n’y a jamais de conflit pendant les cours, c’est vraiment rassurant pour les petits cavaliers. »
La visite a continué avec l’ancienne église et sa majestueuse charpente, devenue un petit manège, adapté pour les cours débutants et pour la mise en liberté quotidienne des poneys en hiver.
L’écurie des chevaux se situe en face, dans l’ancienne bergerie. « Initialement, il y avait un sol en terre battue qui a été remplacé par une dalle en béton et les boxes ont été aménagés par notre père », explique Thomas Brunet qui se charge au quotidien de l’entretien de la structure. A l’arrière, un grand manège de 70mx30m permet une pratique en toutes saisons, une carrière entourée de murs de pierre est adossée à l’écurie et un majestueux cerisier en fleur invite à accéder aux paddocks.
Par-delà le mur, un terrain communal est divisé en paddocks qui encerclent un terrain de football non utilisé. A terme, la commune projette de le réhabiliter pour y construire un court de tennis couvert pour moitié et offrir quelques centaines de m² de paddocks supplémentaires pour les pensionnaires de l’écurie. « C’est un projet qui nous plairait et s’il aboutit, j’aimerais proposer au club de tennis d’aménager un club house commun pour réunir les pratiquants », précisait la dirigeante enthousiaste.
La visite s’est terminée avec la carrière principale, entourée des prés des chevaux et poneys de clubs, et le rond de longe.
Un club en lien avec le monde agricole et les enjeux environnementaux.
« Les problématiques des activités équestres sont les mêmes que pour tous les agriculteurs. Les dirigeants ont besoin de pouvoir acquérir des terres agricoles et d’accéder à l’eau », a précisé Frédéric Bouix au cours de la visite. Pour disposer de fourrages de qualité, indispensable pour entretenir la cavalerie et lui offrir des conditions de vie optimales, Camille Brunet et son frère s’appuient sur une production de fourrage maison. La paille issue de l’exploitation céréalière est utilisée comme litière et le foin est distribué en continu pour nourrir la cavalerie.
L’accès à l’eau est également un enjeu majeur pour abreuver quotidiennement les animaux qui consomment de 15 à plus de 40 litres d’eau par jour, selon leur taille, leur activité physique et les conditions climatiques. « Il existe une réglementation agricole qui doit bénéficier à tous les dirigeants de clubs et parfois ce n’est pas si simple. Le Groupement Hippique National, comme la FFE, est aussi là pour accompagner les clubs dans leurs différentes démarches », rappelait Philippe Audigé, président du GHN.
La gestion du fumier est également un point essentiel pour les exploitants. Le fumier qui est produit sur l’exploitation est stocké dans une benne avant d’être évacué chaque semaine vers un emplacement dédié situé sur l’exploitation céréalière de l’autre côté de la route. Les processus de fermentation agissent ensuite pendant une année avant que le fumier devenu noir ne soit épendu sur les terres agricoles. « Rien ne se perd ici et le fumier est de très bonne qualité. Il permet de fertiliser les terres qui ensuite produisent du fourrage de qualité. C’est un cycle vertueux », expliquait Thomas Brunet, et Philippe Audigé de renchérir « la valorisation du fumier en circuit court est indispensable. Il y a des unités de méthanisation qui se développent partout en France, les clubs peuvent prendre part à l’apport d’intrants pour une production locale de biogaz. » Parmi les projets, l’installation de panneaux solaires sur les toitures de certains bâtiments est également à l’étude.
Un club dans l’air du temps qui relie le monde agricole et les concitoyens.
Durant toute la matinée, des habitants de la commune et assistantes maternelles ont déambulé dans la cour du centre équestre, observant les poneys, poules, chats, chiens, sans oublier l’alpaga et la chèvre qui circulait non sans une certaine assurance sous l'œil amusé des enfants. A Tigery, le centre équestre est un lien évident entre la ville et la campagne. « C’est un peu le deuxième jardin des habitants de la commune, ici tout le monde est bienvenu. » Aussitôt les portes franchies, on oublie la N104 qui passe pourtant à seulement quelques centaines de mètres du club et on entrouvre une porte donnant directement sur la nature. Dans cet environnement privilégié, les cavaliers en herbe se succèdent et tous viennent profiter d’un moment simple, au contact des animaux. Cours d’équitation à cheval et à pied encadrés par des enseignantes diplômées, sorties en extérieur, promenades en main autour du lac de la commune, organisation de compétition et coaching en concours, animations saisonnières lors des vacances scolaires, autant d'activités qui sont proposées toute l’année.
Autre activité développée depuis quelques mois, la médiation avec les équidés. « Nous avons également mis en place un partenariat avec une professionnelle qui propose des séances de médiation équine. Nous lui mettons à disposition un espace sécurisé et des poneys ou chevaux adaptés selon ses besoins. » Pour Camille Brunet, c’est une activité complémentaire à l’enseignement de l’équitation qui s’inscrit très bien dans le programme des chevaux et qui complète son projet pédagogique.
En fin de matinée, Frédéric Bouix a rappelé que « les poney-clubs, centres équestres et centres de tourisme équestre participent à l’animation des territoires, ils créent de l’emploi, ils utilisent du matériel agricole, valorisent les terres. L’agriculture va bien au-delà de la production alimentaire et on doit noter que ce statut agricole des activités équestres, qui fête ses 20 ans en 2025, reste malgré tout très jeune pour la filière. Notre rôle collectivement est aussi de rappeler que nous faisons partie du monde agricole et que la diversité de nos activités est une richesse pour la filière. »
La FFE et le GHN travaillent conjointement depuis de nombreuses années et ont notamment obtenu un retour à une TVA agricole réduite à 5,5% pour les activités équestres en 2024 après 10 ans d’un long travail auprès des gouvernements successifs. Il a également été précisé l’importance du statut d’animal de rente des chevaux et poneys, qui permet d’assurer l’accès aux terres agricoles, indispensables à leur nourriture et à des conditions de vie équilibrées, la gestion sanitaire des cheptels, avec un accès aux protocoles de vaccinations à des tarifs raisonnés, un réseau de surveillance épidémiologique…
Enfin, l'accent a également été mis sur la nécessité pour les dirigeants de clubs de se projeter dans l’avenir pour ne pas subir les changements sociétaux. Pour Philippe Audigé, « il faut faire preuve de créativité et être proactif pour s’adapter dès aujourd’hui aux nouvelles attentes des clients ». Un encouragement entendu par les dirigeants de l'Écurie de la Tour.
« La FFE lancera dans les prochaines semaines une grande enquête nationale pour nous aider à mieux évaluer les habitudes de consommation de Français et apprécier la place occupée par le cheval dans la société actuelle. C’est un des projets que je souhaitais mettre en œuvre dès ce début de mandat, pour ensuite pouvoir nous appuyer sur des données factuelles et accompagner les clubs au mieux pour poursuivre le développement des activités et penser à l’équitation de demain », a conclu Frédéric Bouix.