“Il y a plus de sensations en para-attelage qu’on pourrait le penser”, François Gallant
Cavalier depuis ses dix ans, François Galland a évolué pendant près d’une trentaine d’années en compétition Amateur de saut d’obstacles. N'ayant plus l'usage de ses jambes après un accident début 2021, il pratique désormais le para-attelage, discipline en développement dont le premier règlement a été publié par la FFE en 2022. Entretien avec un meneur motivé, sacré champion de France parmi "les valides" cet été au Generali Open de France et qui a à cœur de développer le para-attelage.
Cavalier depuis ses dix ans, François Galland a évolué pendant près d’une trentaine d’années en compétition Amateur de saut d’obstacles. N'ayant plus l'usage de ses jambes après un accident début 2021, il pratique désormais le para-attelage, discipline en développement dont le premier règlement a été publié par la FFE en 2022. Entretien avec un meneur motivé, sacré champion de France parmi "les valides" cet été au Generali Open de France et qui a à cœur de développer le para-attelage.
Comment êtes-vous arrivé au para-attelage ?
En janvier 2021, j’ai eu mon accident et pendant un moment, j’ai cru que je ne pourrais plus m’approcher des chevaux. Cela me fendait le cœur car c’est une passion commune avec mon épouse, Virginie Delbar, dirigeante du centre équestre de Rombies (59). Mon fils est né en mai de la même année, je me suis habitué à ma situation en fauteuil et j’ai eu envie de réessayer l’équitation. Nous avons des amis qui ont un centre équestre labellisé “Équi handi club” et disposaient du matériel nécessaire pour me faire remonter à cheval. J’ai trouvé que c’était super sympa même si je n’avais pas retrouvé le même équilibre qu’avant et que les sensations étaient différentes. J’ai persévéré et continué à monter pendant six mois. Puis un jour, on m’a dit qu’un règlement de para-attelage était en préparation et on m’a demandé si je voulais essayer.
J’ai donc contacté Marc, un ami qui est aussi en situation de handicap - il a une maladie dégénérative - et qui faisait déjà de l’attelage. Après cinq minutes d’essai, il m’a proposé d’acheter une voiture ! On l’a reçue mi-août 2022. J’ai eu plus de sensations qu’en para-dressage ! En septembre 2022, une organisatrice s’est démenée pour faire participer des para-meneurs au Quesnoy (59). On a donc d’abord fait une demande de certification simplifiée, on s’est engagé pour deux épreuves de maniabilité avec des poneys qui avaient été précédemment attelés à la maison. Dans le même temps, on m’a conseillé d’aller voir Clément Deschamps, meneur international dont les écuries sont à Mouchin (59), pour m’aider car même si je connais les chevaux, cela reste une discipline nouvelle pour moi. On s’est rencontré à l’automne 2022 et on a bien accroché, donc toute l’année je me suis entraîné chez lui. J’ai aussi eu l’opportunité d'acheter un petit cheval, Lipton de la Reselle, avec qui j’ai concouru au Generali Open de France 2023.
Qu’aimez-vous dans le para-attelage ?
C’est une discipline qui est “à sensations”, plus qu’on pourrait le penser ! C’est aussi un sport d’équipe où l’on dialogue beaucoup. Mon groom est un très bon ami, en qui j’ai pleinement confiance et qui sait comment réagir. On est également proche du cheval et attentif à son bien-être. C’est important de ne pas le mettre dans le rouge. L’attelage est également une discipline conviviale, les para-meneurs se voient et se côtoient même les week-ends.
Il existe une vraie communauté de para-meneurs…
Pendant le CAIO 4* de Saumur en juin 2023, il y a eu une épreuve Club 2 de para-attelage. On était en contact via un groupe WhatsApp avec des para-meneurs bretons, occitans, du sud-ouest… On s’est retrouvé à sept/huit para-meneurs. Il y avait différents handicaps mais tous sont capables de pratiquer l’attelage et j’ai trouvé ça génial de prouver que nous pouvons le faire malgré tout ! On a pu voir quelles sont les techniques des uns et des autres pour monter dans les voitures, adapter les sièges, etc.
Entre para-meneurs, on se motive, on se donne des conseils, on s'envoie des photos et cela nous permet d’évoluer dans la pratique. Depuis que j’ai commencé l’attelage, mon siège a changé, ma façon de m’attacher aussi. On essaye de trouver des solutions pour se rapprocher au maximum des meneurs valides.
Je trouve que la fédération est assez à l’écoute. On se rend compte qu’il y a des relais un peu partout avec des personnes qui ont aidé à rédiger le règlement de para-attelage, comme Philippe Tessier. Il y a aussi les organisateurs de concours qui ont joué le jeu pour ouvrir au maximum leurs concours au para-attelage, surtout dans le Nord. On a aussi rencontré Quentin Simonet, CTN chargé de l’attelage, et on construit un réseau pour faire évoluer la discipline.
“Je me sens capable d'affronter des meneurs valides et de gagner”
“Je me sens capable d'affronter des meneurs valides et de gagner”
Malgré votre handicap, vous remportez cet été le titre de champion de France devant des concurrents valides !
La discipline du para-attelage est née mais on a la possibilité de concourir avec les valides puisque le règlement le permet. Pour concourir en para-attelage, il faut obtenir une classification. Elle détermine les aides auxquelles on a le droit et si ce ne sont pas des avantages concurrentiels, on peut les utiliser dans des épreuves valides. C’est valorisant ! J’ai l’habitude de venir tous les ans au Generali Open de France. En 2022, j’avais dit en riant à des amis que je viendrais l’année suivante avec une voiture d’attelage. Et on l’a fait ! On a gagné l’épreuve Club 1 et même s’il y avait peu de partants, c’était très sympathique.
Selon vous, quels sont les avantages du para-attelage ?
Cela permet une progression plus simple qu’en épreuves valides, avec par exemple des reprises de dressage adaptées. Cela permet aussi de mettre le pied à l’étrier à des personnes qui n’oseraient pas s’engager en valide au départ, le cadre est plus rassurant.
Je pense cependant que les épreuves para et valides sont toutes deux importantes. Dans l’année qui vient, je vais concourir en para-attelage afin de faire parler de la discipline et recruter plus de monde, mais également chez les valides parce que je me sens capable d'affronter des meneurs valides et de gagner. Je suis compétiteur, cela me donne un objectif de travail, c’est stimulant.
Pensez-vous concourir à l'international ?
Je dois encore progresser avant d’en arriver là. Chez Clément Deschamps, je côtoie un para-meneur belge qui participe à des épreuves internationales. J’échange beaucoup avec lui sur la technique et le matériel. Je pense que je vais me lancer dans les années à venir car il n’y a pas encore de Français ! J’ai rencontré à Saumur des personnes qui seraient capables de concourir à l’international. Il faut nous motiver et nous préparer sérieusement parce que ce sont des épreuves techniques. Personnellement j’ai encore besoin d’entraînement.
Cependant, le para-attelage a un coût…
Participer à un concours d’attelage a un coût puisqu’il y a le déplacement, des boxes à louer, du matériel à déplacer, etc. De plus, le développement de cette discipline demande du matériel spécifique et chaque centre équestre n’a pas forcément les moyens de couvrir ces frais - une voiture d’attelage coûte plusieurs milliers d'euros, auxquels s'ajoutent des options qui ont, elles aussi, un coût, lorsqu'il faut par exemple réaliser un siège adapté… Rentabiliser tout cela pour une personne en situation de handicap dans un club est quasiment impossible. La mutualisation de ce matériel au sein des comités régionaux et départementaux peut être une solution.
Je pratique le para-attelage à titre privé donc je n’ai pas de soutien financier à ce niveau-là. Pour moi, c’est assez facile car j’habite dans un centre équestre, ma femme a des chevaux, j’ai la possibilité d’avoir accès à du matériel adapté et à des personnes qui m’aident. J'ai également la chance d’être chef d’entreprise et de ne pas avoir perdu mon travail après mon accident. Donc nous faisons cela avec nos propres moyens, mais je comprends que cela ne soit pas accessible pour tout le monde.
Est-ce qu’un cheval d’attelage peut aussi faire du para-attelage ?
Un cheval d’attelage peut faire du para-attelage. On va chercher des chevaux plutôt sûrs qui n’auront pas peur et qui ne feront pas d’écart. Après, il y a mille handicaps. J’ai l’usage de mes bras mais pas de mes jambes, je suis donc capable d’encaisser un écart ou un démarrage un peu fort parce que j’ai les guides pour pouvoir corriger ça. Par contre, il me faut un cheval qui ne m'emmène pas trop vers l’avant et qui ne va pas tirer excessivement. Il n’y a pas de cheval de para-attelage type, il faut se sentir en sécurité.
À savoir
Tout para-meneur peut participer aux divers niveaux de compétitions et s'engager dans un projet sportif pouvant aller jusqu’au niveau international. La Fédération Équestre Internationale organise un championnat du monde tous les deux ans depuis 2006.