Interview de Serge Lecomte suite aux Championnats d’Europe de CCE
Droits FFE/PSV
1/ Monsieur le président, quel est votre bilan suite aux championnats d’Europe de concours complet à Fontainebleau ?
J’ai des motifs de satisfaction et des déceptions.
D’une part, l’organisation de cet important événement, techniquement très lourd, a été très bien maîtrisée par l’équipe organisatrice menée par Francois Lucas. Les cavaliers ont pu s’exprimer dans des conditions idéales et je pense que la FEI, comme les concurrents, peuvent en être satisfaits.
D’autre part, la présence nombreuse du public est un vrai bonheur. Il y avait beaucoup d’étrangers, naturellement, mais aussi beaucoup de Français. Des cavaliers venus de toute la France et aussi beaucoup d’amateurs car les organisateurs de concours complet, année après année, ont su intéresser le public.
Nous avons offert une très belle image de notre pays à tous les étrangers qui nous ont rendu visite.
Enfin, je suis très déçu par la prestation globale de l’équipe de France, même si les motifs de satisfaction et d’espoir ne manquent pas.
2/ Quelle est votre analyse des prestations de la France ?
Je pense que ce championnat d’Europe a été sous-estimé et nos objectifs à moyen terme mal interprétés, ou pour le moins mal compris.
L’erreur de Nicolas Touzaint ne retire rien à son talent et je ne lui chercherai aucune signification particulière.
Pour le cheval de Jean Teulère, c’est le deuxième pari manqué sur des événements majeurs. J’avais pourtant bien annoncé que nous préférons les bonnes performances récurrentes au classement exceptionnel et qu’il ne fallait plus jouer au poker.
J’attache beaucoup plus d’importance aux performances des 10 autres engagés français dans ces championnats d’Europe.
Est-ce que 7 couples dont 4 classés sur 12 à l’arrivée est un signe de progrès ?
C’est la vraie question pour l’avenir de nos équipes de France en CCE.
C’est sur ce point que nous devons articuler notre réflexion.
3/ Comment jugez-vous la qualité d'organisation d'un tel événement? Retombées de la part de la FEI?
60 000 personnes qui ont suivi ce concours démontrent que le public peut s’intéresser au haut niveau équestre.
L’opération de communication de la FFE et du CREIF pour annoncer l’événement a atteint ses objectifs. Cela démontre que l’utilisation de nos propres ressources peut être optimisée et que nous pouvons encore faire mieux.
Quant à la FEI, elle impose un gros cahier des charges. Il a été mis en œuvre et adapté. Il faut maintenant lui demander ce qu’elle en retire.
Cela me rappelle aussi à quel point la France doit se doter de sites vastes et équipés capables d’accueillir de grandes manifestations à l’égal des grands terrains de compétition comme Lexington ou Aix la Chapelle.
Nous avons de très bons organisateurs, des circuits de compétition diversifiés qui s’imposent : le French-Tour, le Grand National, le circuit des As et aussi le circuit Club et poney qui conduit à l’Open Generali. Il reste à renouveler régulièrement de tels grands événements pour cumuler l’expérience acquise et donner une vitrine parfaite au sport équestre de haut niveau.
Ce sont autant de chances pour parfaire nos chevaux et nos cavaliers et faire progresser l’ensemble de la filière. Nous devons être vigilants à ne pas céder aux sirènes d’une victoire éphémère mais faire progresser l’ensemble. C’est ce bon travail qui nous conduira vers les succès. Et si les médailles ne sont pas au rendez vous comme lors de ces championnats d’Europe, nous saurons nous satisfaire de bonnes performances qui donnent de l’avenir.
4/ Quel est l'avenir du Staff Français?
Le choix des hommes est le résultat de leur adhésion au projet fédéral et de leur capacité à le satisfaire au vu de critères mesurables.
J’ai de l’estime pour les personnes en place qui, pour le complet, ont été plutôt préservées de toute turbulence. Il s’agit maintenant de raviver les énergies.
5/ La filière complet ne va pas au mieux, que préconisez-vous pour les organisateurs ?
Les organisateurs ne sont pas en cause et nous comptons aussi sur eux pour attirer davantage de cavaliers et maintenir les terrains de CCE français parmi les meilleurs du monde.
C’est tout le sens du soutien fédéral à cette discipline.
6/ Et pour les cavaliers ? Est-ce que cette absence de médailles après le revers des JO va entraîner des modifications dans l'organisation de la sélection et de l'entraînement de l'équipe de France?
L’absence d’une élite plus dense est notre problème récurrent dans notre sport depuis des décennies, C’est d’ailleurs le problème du sport français en général. Nous ne pouvons pas l’accepter car c’est ce qui rend nos performances fragiles. Il faut que notre encadrement sportif s’attache à faire progresser avec la même détermination une quinzaine de compétiteurs. Les faire progresser en dressage, point par point, et, en CSO, être sur la logique du sans faute. A ce niveau-là, une petite différence, fait une énorme différence. Il est clair que cette exigence vaut dans les trois disciplines, mais je suis moins inquiet pour le cross qui motive le plus nos cavaliers.
7/ Ne faudrait-il pas mettre l'équipe de France au sens large plus souvent en confrontation avec les cavaliers étrangers et notamment anglais?
S’il suffisait de quelques billets de ferry pour atteindre le niveau de performance des Anglais en complet, ce serait déjà fait.
Plus sérieusement, il semble évident qu’il faut se confronter en permanence au plus haut niveau sur les mêmes formats que les championnats.
8/ Plus généralement, est-ce que la FFE aurait un plan d'action pour aider les jeunes cavaliers à monter et à persévérer dans la discipline à l'image de ce qui se fait en Allemagne où le Comité Olympique Allemand achète certains des meilleurs chevaux pour qu'ils restent au pays.
Pour réussir, il faut que les cavaliers soient placés dans une situation plus proche des autres sportifs français de haut niveau. Aujourd’hui, les cavaliers financent leur entraînement et se préparent au détriment de leur activité économique. Il faut trouver des solutions qui les libèrent de cette contrainte de double activité sportive et professionnelle.
C’est le sens de notre projet sportif fédéral. Nous avons proposé aux établissements publics du Cheval : Haras Nationaux et ENE de dégager 2 millions d’€uros d’économie sur leur restructuration pour mettre en place un Pôle Sports.
30 cavaliers ayant atteint des minima sportifs disposeraient de tous les moyens pour mener à bien une carrière de compétiteurs avec des objectifs sportifs conditionnant leur maintien en pôle.
C’est un bon projet pour que l’ENE retrouve une véritable action positive vis-à-vis des sports équestres et réponde à l’une de ses missions en faveur du Haut Niveau définies par le Ministère de la Santé et des Sports.
9/ Que demandez vous à l’encadrement fédéral, aux cavaliers et aux propriétaires acteurs du haut niveau équestre ?
Les exigences de toute l’équipe fédérale que je porte sont précises et simples à retenir : que chaque discipline dispose des sportifs nécessaires pour monter 2 équipes de France avec, bien sûr, les remplaçants suffisants.
La stratégie pour y parvenir est le suivi sportif individualisé des cavaliers qui s’inscrivent dans un projet de haut niveau de manière à amener pour chaque discipline une douzaine de cavaliers au meilleur niveau. Les résultats doivent être mesurables au travers du programme établi par les sélectionneurs. Les cavaliers et les propriétaires doivent s’engager clairement vers les échéances olympiques sans utiliser la fédération et sa capacité à sélectionner pour l’international par opportunisme. Tout cela se traduit dans le projet sportif fédéral pour la conduite duquel nous allons redoubler de vigilance.